est-ce que c'est possible d'être tranquille ?

Ces cours étaient assommants. C'était d'un ennui... Je déprimais. Mickey déprimait aussi. Nous étions tous les deux affalés sur notre bureau, si dépités que l'on ne trouvait même pas la force de mettre un peu d'ambiance dans la salle. Enfin... C'était jusqu'à ce que nous échangeâmes le regard fatidique. Et nous étions reparti sur notre sujet de la veille:

- Bennett & Carragher, experts en sexologie.
- Pas assez raffiné.
- Bennett & Carragher, experts en liaisons dangereuses.
- Ça fait teaser de film porno.

Avec Michaël nous avions décrété que nous ouvririons un cabinet de psychologie spécialisé en thérapie de couple et en étude du comportement sexuel après notre graduation. Idée géniale hein ? On s'y voyait déjà. Il ne nous manquait plus qu'un nom et un titre accrocheur.

- B&C, et votre femme retrouve le sourire.
- B&C, et votre femme y prend du plaisir.

On se redressait d'un bond pour se taper dans la main et immédiatement, notre professeur écrasa la sienne sur le bureau. Je suis sûr qu'il venait de se l'exploser mais qu'il était trop fier pour le montrer. Il nous bassina avec quelques remarques sur notre comportement et le respect... On était en pleine séance de travail ! On préparait notre avenir. Pfff.

Dès que la sonnerie retentit, nous étions les premiers dehors. Il nous fallait extérioriser toute notre frustration et rien de mieux pour cela qu'une bonne partie de sport. Nous avions embarqué quelques frères Kappa avec nous et avions rejoint au parc mon cousin Nate et des amis à lui des Delta. J'entretenais de plutôt bonnes relations avec la plupart des membres de cette fraternité. J'aimais le sport, j'y étais plutôt doué et il n'en fallait pas plus à ces férus de crampons ou de raquette pour m'avoir adopté. Nous nous étions installés au beau milieu du parc, là où il y avait assez d'espace pour nous défouler et de regards pour nous épier, sinon c'était sans intérêt.

Nate et moi partagions sur le terrain cette même complicité qu'au quotidien. C'était un athlète émérite et un excellent stratège. Pas étonnant que le rôle de quaterback lui soit attitré, je ne connaissais personne de plus apte que lui pour ce poste. Il m'avait désigné en demi-arrière de son équipe, j'étais rapide et légèrement doté d'une capacité à m'adapter surhumaine. Il lançait une première offensive, décalant sur notre ailier pour forcer une ouverture. Nous écartions leur ligne de défense mais la balle me revient trop tard dans les mains. Je me heurtais à un mur. Mickey m'aida à me relever. Mon cerveau analysait les dernières secondes, comme s'il agissait indépendamment de ma volonté. Je n'arrivais pas à me faire à cette nouvelle faculté. Sans attendre mon avis, il découvrait, analysait et comprenait tout ce qui m'entourait. Tout devint alors limpide. Leur premier rideau défensif était plus étiré sur le côté gauche. Leur secondeur moins réactif, avait de mauvais appuis. J'en informais mon cousin qui acquiesçait et lançait une nouvelle offensive. Dès que la balle fut en ma possession, je feintais devant leur linebacker pour lui faire perdre l'équilibre et je passais en vitesse pour marquer un touchdown. Je sautais de joie, Davy assis non loin - notre arbitre attitré et désigné - comptait le point d'un air blasé. Et la partie reprit jusqu'à cette fameuse balle égarée.

Nous étions les pires emmerdeurs de l'univers. A chaque balle perdue, les uns faisaient les cons, les autres en profitaient pour aller se pavaner devant les filles qui passaient par là. Ça finissait toujours en cris, rires et conneries en tout genre. Nous égarions une balle de plus qui s'écrasa sur la tronche de notre arbitre. J'aperçus au même moment une demoiselle que je connaissais vaguement, une certaine Aalyah s'approcher de nous d'un air furieux et je préférais l'ignorer pour l'instant - c'était souvent ma réaction lorsque des problèmes s'annonçaient.

- Hey Bolovitch, renvoie la balle !

Davy croisa mon regard et soupira. Il se redressa et prit son élan pour me renvoyer mon ballon de toutes ses forces, accompagnant son geste d'un délicat:

- TIENS VOILA TA BALLE, CONNARD !

Hmmm. Je crus d'abord à l'exploit mais très vite je remarquais une incohérence dans la trajectoire de son lancer. Je ne fus pas le seul d'ailleurs puisque ce petit enfoiré dégagea en courant dès qu'il s'aperçut de sa connerie et la balle sensée arriver dans mes mains se dirigeait vers notre miss féline au fort tempérament. Et moi, en bon joueur que j'étais, je n'entendis même pas sa remarque agacée et je me contentais de plonger dans sa direction, les bras tendus pour rattraper la passe dégueulasse de l'autre salopard de lâcheur.

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est-ce que c'est possible d'être tranquille ?

J'analysais la trajectoire de cette foutue balle comme si le cours du temps ralentissait devant mes yeux. Je ne voyais qu'une seule issue possible à cette mésaventure et j'entamais un plongeon héroïque digne des plus grandes scènes d'action en songeant un majestueux *BOLOVIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIITCH !!*

Je sentis un coup violent apparaître au niveau de mes lombaires. Je me redressais d'un coup, puis je regardais la fille que je venais de me prendre en plein fouet. Merde, c'était Aalyah. Je n'arrivais pas à cerné cette fille. Elle m'intriguait J'avais bien envie de faire sa connaissance mais je n'avais jamais trouvé le bon moment pour m'y apprêter. Je n'étais pas certain que ce soit la meilleure manière de commencer une discussion. Elle était là, devant moi, avec son air affreusement peu joyeux peint sur le visage. Et Davy qui s'était barré comme un connard !

Bizarrement, lorsque mon regard se plongea sur Aalyah, je ne pus m'empêcher de bloquer sur sa poitrine, hmm chouette soutien-gorge. Enfin bon, quoi qu'il en soit, elle avait une paire de loches du premier choix.

Je vis ensuite qu'elle attendait toujours une réponse. Je me grattais l'arrière du crâne et me remémorai ce qu'elle avait dit, ou plutôt hurlé. Je pris une grande inspiration: "On est dans un espace publique alors on a le droit de faire autant de conneries qu'on veut, on dérange personne je te signale, c'est juste toi, si tu ne veux pas être dérangé pendant ta méditation à la con, ben déjà, tu restes dans ta chambre toi et tes jolies loches, et tu fais pas chier." Ça, c'est ce que Bolovitch aurait pu dire, mais... cet enculé de première n'était pas là, et à la place, voilà ce que j'ai réussi à dire :

-  On  est dans un espace publique alors on a le droit de faire autant de conneries qu'on veut. Et puis je fais attention aux autres. Je fais tellement attention aux autres que je t'ai épargnée une balle en pleine gueule... Même pas un merci...

Je croisais les bras et lui offrais mon sourire empli de fierté à la con. J'ignorais les remarques des autres joueurs et je me contentais de leur renvoyer la balle. Ca va, ça va. "Continuez sans moi, je reviens." On était pas à une minute près, si ?

Je l'avais écrasée, autant continuer de lui parler pour faire connaissance, qui sait, peut-être était-elle plus sympa qu'elle n'y paraissait là, tout de suite, avec son regard de tueur et ses coups de pieds assassins. Au moins, elle était sexy, c'était déjà ça. Et puis, j'étais un fanatique des shorts. Rien que ça, ça méritait de repousser la reprise de mon match.  

Mais quoi qu'il en soit, ce soir, je toucherais quelques mots à Bolovitch, il m'en devait une, vraiment. Fallait que je rattrape le coup, que je fasse preuve d'imagination. Allez, un truc sympa et intelligent, ça ne doit pas être bien compliqué:

- Joli Short.

Ouais... je pouvais faire mieux quand même. Allez, réfléchissons encore un peu. Des excuses peut-être ? Ouais, voilà, j'allais faire ça.

- Excuses Bolovitch, il est un peu con.

Voilà, voilà, c'était parfait.





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Aïe. Elle avait pourri son tee-shirt et son regard n'augurait rien de bon. Si un regard pouvait tuer, je crois que je serais déjà mort. J'entendais les autres mecs reprendre la partie mais je ne m'en souciais pas davantage. Je voyais là une occasion d'apprendre à connaître cette nouvelle élève si solitaire et même si les circonstances n'étaient pas à mon avantage, je trouverais bien une manière de renverser la balance. Enfin... on verrait bien. Je m'étirais nonchalamment sans pouvoir m'empêcher de lancer un regard suggestif à un groupe d'étudiantes non loin. Voilà qui répondait à la remarque d'Aalyah:

- Il n'y a pas assez de public autour du stade. C'est beaucoup moins intéressant.

Le tout avec cet éternel sourire de petit con gravé sur mon visage. Je le tenais si bien. Aucun des garçons présents sur la pelouse ne me contredirait - surtout pas Nate - il n'y avait rien de mieux qu'une petite séance de sport au milieu du parc et des filles de l'académie. Vous avez vu mon corps ? Ça serait égoïste de n'en faire profiter personne. Dans le fond j'avais juste trop bon cœur. Aaaah... ma générosité me perdra.

Mais notre chère féline revint à la charge et confirmait mes soupçons: je me retrouvais face à un mur. La dureté de ses paroles me fit grimacer. Sa remarque sur son pouvoir attisa en revanche ma curiosité. Vous me connaissez, il suffit de m'interdire quelque chose pour que je m'y jette à pieds joints... Donc il fallait que je la laisse tranquille ? Hmm.

- Oh je ne suis pas contre une ou deux griffures. J'adore ça en fait, c'est tellement sexy.

Hahaha. Mais quel abruti. Va rattraper ça maintenant. J'allais tuer Davy, parce qu'on est d'accord, tout ça reste entièrement de sa faute. Peu importe les conneries que je pouvais dire maintenant, tout était quand même de sa faute. Je réfléchissais déjà à une vengeance mais je revins très vite à ma jolie blonde avant qu'elle ne déguerpisse et qu'elle ne m'adresse plus jamais la parole. Pas mieux que Davy Bolovitch... Elle était dure quand même.

- Je suis désolé... pour ton tee-shirt.

Et parce que Davy est le roi des cons. Mais je m'abstins de le dire cette fois-ci. Oui, c'est tout ce que j'avais trouvé. Dans le fond, il ne m'était pas vraiment évident de faire des excuses à quelqu'un étant donné que je n'avais ni morale, ni maturité, ni aucun sens des responsabilités. Rien ne m'atteignait, ce n'était quand même pas de ma faute. Enfin, même si j'avais un peu de mal avec la notion de sincérité, j'étais quand même assez dégourdi pour comprendre qu'il fallait lâcher du lest, faire un minimum d'effort. C'est l'intention qui compte après tout.

- C'était pas voulu. J'ai essayé d'éviter ça.

Ah là pour le coup c'était honnête. J'avais vraiment essayé de lui éviter ça. Sauf que le lancer de l'autre idiot ne m'avait pas laissé d'autre choix. Je n'avais pas prévu que j'allais atterrir sur Aalyah, c'était un malheureux accident.

- Ça consiste en quoi ta méditation ? Je peux essayer ?

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Je gêne les gens, je gêne les gens... Tout de suite les grands mots. Je ne dirais pas ça. On donnait de la vie et de l'animation à cet endroit. On invitait souvent des gars qui passaient dans le coin à nous rejoindre, faisant ainsi de nouvelles rencontres puis le spectacle n'avait pas l'air de déranger tout le monde. On rendait service. Voilà, c'est exactement ça. On rendait service. Je me contentais de hausser les épaules, de toute façon il n'y avait rien à rajouter. Elle ne changerait pas d'avis. Plutôt feindre l'indifférence et rire à mon tour lorsqu'elle m'envoya balader. Une lueur maligne dans mon regard accompagna mon sourire en coin lorsqu'elle me traita de masochiste.

- C'est marrant, elles disent toutes ça...

J'exagérais un peu, mais ça me faisait marrer, c'était un bon point. C'était peut être ça mon vrai super pouvoir: l'abruti qui s'amusait tout seul. Aalyah se réinstallait sur le sol, apparemment décidée à ignorer ma présence, me donnant un peu plus envie d'accaparer son temps et son espace vital... Vous voyez, plus on me faisait remarquer que j'étais emmerdant, plus j'avais envie de vous emmerder. C'est donnant-donnant, comme on dit. Je m'assis à mon tour en tailleur en face d'elle et je scrutai ses moindres mouvements pour les reproduire.

- Par quoi on commence ? Est-ce qu'il faut fermer les yeux ? Prendre une grande inspiration ?

Je m'essayais avec les paupières closes mais j'en rouvris rapidement une pour la regarder à nouveau.

- Est-ce qu'on va rentrer en communion avec un esprit de la nature ? J'ai toujours voulu en rencontrer un. J'arrête de parler, je me tais.

Je pris une pause de moine bouddhiste, formant un cercle avec mon pouce et mon index et je fis le bruitage bien cliché que l'on entend dans les films:

- Mmmmmmmmmmmmmmmmmmmmmmmmmmmmmmmmmmmh

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