Depuis le lycée, Skyler avait une règle d’or : n’aller qu’aux cours qui l’intéressaient. Lorsqu’elle n’éprouvait aucun intérêt pour une matière, elle était particulièrement dissipée, et avait tendance à déranger ses camarades. C’était, pour elle, une question de respect pour le professeur et pour les élèves de sa classe que de ne pas aller en cours quand elle savait parfaitement qu’elle n’écouterait rien.
Évidemment, certains professeurs n’étaient pas de son avis, et elle ne pouvait effacer que quelques absences dans les réseaux de son université avant qu’on ne s’en rende compte. Il lui fallait donc parfois se traîner jusqu’à une salle de classe et bouquiner tranquillement au fond de l’amphi en attendant que la torture se termine.
Le problème de l’académie, c’était qu’elle avait vraiment du mal à savoir comment rattraper ses efforts dans certaines matières. Parce que ne pas aller bidouiller du Java ou travailler son espagnol, bon, elle pouvait le faire chez elle. Par contre, des cours comme le combat, c’était plus compliqué. Et le combat, justement, elle détestait. Skyler se rendait parfaitement compte qu’elle était tout à fait incapable de se battre correctement, et avait le sentiment de ne jamais s’améliorer, malgré ses efforts. Alors elle avait décidé d’abandonner et de se concentrer sur les matières qui comptaient, et surtout sur l’informatique, en redoublant d’efforts dans ce qu’elle aimait pour faire oublier ce qui serait probablement son premier véritable échec académique.
Mais voilà. Skyler détestait être naturellement mauvaise à quelque chose, et elle détestait ne pas comprendre pourquoi elle devait le travailler. Et pourquoi devrait-elle faire du combat, elle qui n’était jamais en danger ? On lui avait bien parlé du danger d’une attaque sur tous les mutants, mais ça n’avait pas suffi : dans une situation comme celle-là, elle savait qu’elle serait derrière un ordinateur. La vraie guerre, c’était là qu’on la faisait, pas au front. Mais bon, les professeurs avaient quarante ans. Bien sûr qu'ils étaient encore dans cet état d’esprit dépassé. Des cours de tir à l’arc, bon sang – on revenait allègrement au Moyen-Âge et ça ne semblait choquer personne !
Ainsi se perdaient les pensées de Skyler, alors qu’elle travaillait un cours d’algorithmique. Le cours en soi n’était pas bien difficile, et elle pouvait se permettre de déjà réfléchir à la soirée à venir. La jeune femme, il faut le dire, détestait les soirées. Sortir, se mettre en avant, discuter avec des inconnus, boire de l’alcool, rien de tout ça ne lui plaisait vraiment. Mais c’était le prix à payer pour être populaire – et elle voulait être populaire plus que toute autre chose.
« Bonjour, je ne t'ai pas vue en cours aujourd'hui ... Un oubli ? »
Bon. Là, tout de suite, elle avait mieux à faire que de penser à son avenir de fille populaire. Skyler devint cramoisie en reconnaissant le professeur de combat (ou de tir à l’arc, ou de boxe, elle ne savait même plus comment elle devait considérer ces cours-là) posté devant elle, et balbutia, gênée :
« Je… Je ne me sentais pas très en forme, désolée… »
Dans sa main droite, l’écran de son téléphone prit soudain une teinte blanche aveuglante, et elle le lâcha, rougissant encore plus. Il lui arrivait parfois de décharger sa gêne, sa colère et d’autres sentiments puissants sur les objets électroniques à proximité sans le vouloir, et être aussi transparente la mettait de plus en plus mal à l’aise, surtout dans une académie où on s’attendait à ce qu’il y ait une corrélation entre ces bugs étranges et les sautes d’humeur de la jeune femme.
Skyler, plus mal à l’aise que jamais devant ce professeur qui s’était rendu compte de son absence et la lui faisait maintenant remarquer, garda les yeux fixés au sol.

Le sourire de Clint Barton alors qu’il remarquait la malaise de la jeune femme la surprit : il n’avait pas le petit côté carnassier qu’ont bien des professeurs trouvant une faille dans leur élève qui vient de commettre une faute. Loin d’être rassurée, toutefois, elle le regarda d’un air méfiant alors qu’il prenait une chaise et s’asseyait à sa table. C’était un signe qu’il voudrait discuter avec elle longtemps, et elle n’était pas du tout d’humeur à ça – mais un professeur, ça se respecte, et il faudrait qu’elle supporte sa conversation, même si c’était à propos de sport de combat.
« Tu sais ce n'est pas grave si tu ne viens pas, moi-même j'ai dû quitter l'école très tôt alors je suis mal placé pour te faire la leçon, en tout cas cela ne t'empêche d'étudier autre chose. »
Oui, décidément, il avait compris le mensonge (peu caché, il fallait l’admettre) de la jeune femme. Cette réaction l’étonna toutefois : elle ne s’attendait pas à ce qu’il soit aussi compréhensif, et encore moins à ce qu’il lui propose d’étudier autre chose. Alors qu’elle s’apprêtait à répliquer qu’elle étati justement en train de travailler, le professeur précisa sa pensée.
« Je trouve que vous êtes jeunes pour apprendre à vous battre, même dans les écoles classiques ce n'est pas comme ça hélas... On ne sait pas ce que demain nous réserve mais tu dois déjà le savoir, avant tout je vois le sport comme un loisir. »
Skyler, intriguée, haussa un sourcil. Le professeur de cette matière qu’elle détestait n’aimait pas non plus les raisons pour lesquelles on la leur enseignait ? Il venait clairement de gagner quelques points dans son estime.
« Tu dois tout de même aimer un sport ? »
Skyler commença par secouer la tête, confuse. Elle n’avait jamais vraiment fait de sport, au-delà du jogging occasionnel qui suivait les bonnes résolutions de janvier. Ce n’était pas qu’elle n’aime pas le sport, en soi : simplement, ses parents n’en avaient jamais vu l’utilité, et elle avait toujours gardé le nez plongé dans les livres et les ordinateurs plutôt que sur un terrain de sport. Évidemment, il serait difficile de répondre cela à un professeur qui semblait s’en soucier sincèrement, et elle répliqua avec un haussement d’épaules :
« Pas vraiment. J’aime bien regarder, mais c’est tout », improvisa-t-elle, se refusant à admettre qu’elle rêvait d’être une grande sportive, mais n’en avait jamais eu l’occasion.

 « Donc tu manipules l'électricité... Il doit falloir beaucoup de concentration pour y arriver, ça se passe bien ? »

Skyler fronça les sourcils, agacée. Presque tous ceux qu’elle avait rencontrés à l’académie étaient incapables de faire la différence entre maîtriser l’électricité et son véritable pouvoir, mais elle retrouva sa patience en entendant la suite de ce que le professeur Barton lui disait.

« Sinon pour la concentration il y a aussi le yoga, ça aide à canaliser notre énergie, les séances d'étirement grâce à ça j'ai appris à calmer mon hyperactivité on gagne en concentration et en maîtrise. »

La jeune femme hocha la tête, intriguée par cette suggestion peu évidente, et expliqua d’une voix qu’elle voulait assurée, mais qui laissait transparaître sa timidité naturelle :

« Je contrôle l’électronique, pas l’électricité. Je ne peux pas changer l’intensité d’une ampoule, ou le fonctionnement d’un radiateur, mais seulement ce qui est plutôt informatique, comme les ordinateurs, les téléphones ou un lecteur de musique. Mais oui, ça demande pas mal de concentration », admit-elle après un court silence.

Elle-même ne maîtrisait encore qu’assez mal son pouvoir : au-delà du coup de main occasionnel sur un projet de programmation complexe ou du fait d’avoir du réseau sur son portable où qu’elle soit, elle ne pouvait pas encore faire grand-chose qu’elle voulait faire. Plus gênant encore, les manifestations involontaires de son pouvoir, comme son téléphone, qui s’était heureusement éteint depuis.

FIN DU RP